lundi 6 août 2018

Responsive classroom: dernier jour et bilan


Dernier matin.  Évidemment le mot "dernier" résonne dans tout. Dernier trajet, dernière fois à Peck Slip school, dernier morning meeting bref, tout se termine aujourd'hui. Je prends conscience que ces 2 semaines doivent aussi se transformer en une nouvelle pratique de classe et pas seulement rester 2 semaines de fun.  Mais quand même.
Earl nous a fait une révélation pas piquée des vers. Son père sortait avec une actrice de la série "Général hospital" et elle a proposé à Earl de jouer un petit rôle dans un épisode. Sans blague. Alors on regarde le petit Earl de 10 ans jouer sa scène sur youtube.
Après cette disgression, retour au travail. Aujourd'hui, c'est organisation de la classe et la discipline d'urgence quand rien ne marche.

Pour l'organisation de classe, on réfléchit à un magasin où on déteste aller. Moi c'est Décathlon. Je déteste mais je ne sais pas trop pourquoi.  Bon, il faut faire la liste de ce qui déplait dans ce lieu car, naturellement, on fait le parallèle avec nos classes. J'ai tout compris: un magasin où on aime aller nous incite à acheter plus = une classe oú un élève aime bien être l'incite à mieux apprendre.
Alors on passe tout en revue: le coin regroupement, les tables, les étagères, les affichages,

mais bon, dans mon cas, je résiste encore à mettre mes tables en îlots parce que, franchement, ça papote.  J'ai du mal à lâcher prise alors que je sais qu'un des besoins fontamentaux est d'échanger, bouger, et que les rangs c'est anti-tout ça.


On dessine le plan de nos classes, façon cuisine ikéa sur une feuille quadrillée. Moi je ne change rien à la mienne, déjá bien chamboulée ces quelques dernières années. Et puis elle est si petite.

Pour les problèmes de discipline, on reparle du Time-out, de la chaise de retour au calme, de son efficacité si elle est bien expliquée mais aussi de ce qu'on peut faire si ça ne marche pas. Je suis déjà au top, car dans notre école, la collaboration entre collègues pour s'occuper des cas les plus réfractaires se fait déjà. Mais d'après ce que j'entends, dans les écoles américaines, ça rame un peu de ce côté-là.  Et puis on peut aussi discuter avec l'élève, avec une structure bien définie pour mener cette "conference". Je l'ai fait une fois, avec un élève très intelligent qui a trouvé la solution lui-même pour s'éloigner d'un camarade avec qui il parlait trop.
Scénario sous les yeux, nous voilà en pleine réflexion. Tout se planifie, le choix des mots (le choix des mots! Tout est important) la manière d'aborder le problème, l'échéance pour en rediscuter. Je me sens un peu débordée. 



C'est la fin de cette formation. Earl nous propose de passer la dernière heure à discuter ou à planifier, comme on veut. On se retrouve pour le "closing circle", ce moment oú la journée se termine, on a une dernière réflexion tous ensemble sur ces 4 jours intenses.  Earl semble ému, je crois qu'il est sincère.
Ses derniers mots pour nous résonneront longtemps dans ma tête:

                                          BE EXTRAORDINARY.



Avant de reprendre l'avion, je descends à Battery Park voir la statue de la Liberté.  J'étais certaine de ne jamais remettre les pieds à New York, je suis venue tellement souvent. Et pourtant me voilà. J'ai l'impression que la boucle est bouclée. 

Bilan:
J'attendais beaucoup beaucoup de ces 2 semaines. Et j'ai obtenu beaucoup beaucoup plus que je ne l'imaginais. Bien sûr, certaines choses m'ont confortée dans ce que je fais déjà, et comme je manque de confiance en moi, ça m'aide. Mais ce qui m'a le plus tourneboulée, ce sont ces evidences qui n'en étaient pas parce qu'elles ne sont jamais dites ni enseignées dans nos ESPE. Le pouvoir de nos mots, le pouvoirs du choix, et l'indéracinable conviction qu'un enfant ne peut pas apprendre si on ne lui reconnait pas le droit d'être ce qu'il est: il aime jouer, bouger, échanger et non rester assis à subir. Pour tout vous dire, si j'ai autant aimé cette formation, c'est aussi parce que j'ai bougé, joué et échangé.
J'ai retenu aussi l'importance du modelage interactif, c'est à dire, donner aux élèves l'occasion de faire l'expérience des comportements attendus. Pour tout, tout le temps.
Et bien sûr, être proactif à 80% et réactif à 20%, et surtout, prendre du plaisir, échanger, construire une communauté de classe qui cultive l'empathie, la persévérance et de solides compétences d'apprenants.

Armée de mes antisèches de phrases types à dire, ma liste d'energizers, et chargée de toute cette énergie partagée, j'attends la rentrée.

BE EXTRAORDINARY.

vendredi 3 août 2018

Responsive classroom: perfectionnement jour 3

Le morning meeting de ce matin m'a un peu cassé les pieds. Voilà Earl qui nous raconte pourquoi The Wiz est son film préféré. Ça dure longtemps, ça fait appel à son enfance, la nostalgie tout ça, bof on se croirait dans une therapie de groupe. Et puis il y a 3 autres instits qui doivent aussi raconter leur film ou livre favori. Tttttttttttt, trop long trop long, Kristen, notre leader de la semaine dernière nous aurait expedié ça en 2 minutes. Moi aussi.  Et je suis contente de voir les failles, car ça veut dire que maintenant je sais.

Au programme d'aujourd'hui, LA DISCIPLINE. Et comment l'aborder, sachant que si les enfants se comportent mal, c'est parce qu'il ont un ou plusieurs besoins fondamentaux non pris en compte. Rappelons que les 3 besoins des jeunes enfants pour être dans une posture d'élève:
1- l'appartenance à une communauté de classe (belonging)
2- faire sens de ce qui se passe en classe (significance)
3-s'amuser, bouger, échanger (fun)

Pour subvenir à ces 3 besoins, il faut donc développer les compétences socio-émotionnelles (morning meeting avec ses 4 composantes) et des activités à fort engagement (le choix académique) tout en favorisant les échanges (turn and talk) et les phases de recharge des batteries (energizers) qui sont toutes ces petites activités de jeux (pensez pierre/feuille/ciseaux et compagnie).
A cela ajoutez un langage d'enseignant neutre, clair, direct, objectif qui a 3 formes distinctes:
1-renforce.
2-rappelle.
3-redirige.

Et puis, naturellement, il faut être à 80% PROACTIF (tout anticiper) et seulement 20% REACTIF et ça devrait marcher pas trop mal.

Etude de cas. Earl nous demande de penser à un élève qui nous a posé problème cette année.  Je n'ai pas cherché longtemps.  Mais bon, soyons honnête, on pourrait appliquer tous les trucs et astuces d'ici ou d'ailleurs...je ne suis pas sûre qu'on obtiendrait grand chose.

Mais quand même, j'entr'aperçois des possibilités. Et puis cette élève, elle avait progressé pendant le morning meeting.
Earl nous présente des mini scénarios, universels, j'ai les mêmes chez moi:  Mark et John ont rapporté la feuille de cantine et reviennent en classe tout essoufflés "mais non, on n'a pas couru...". Que faire? On cherche les conséquences logiques, les bons mots à dire. C'est vraiment interessant.



Bien.  Nous voilà à la veille du dernier jour. Il pleut des cordes sur New York. J'ai préparé ma valise. J'ai l'image d'un enfant à qui on enlèverait les petites roulettes de son vélo. Demain. Et puis après. Faudra rouler droit et garder l'équilibre.

Jane's  carroussel

La photo classique: l'empire state building apparait entre les piliers


Cet après-midi, j'ai marché des kilomètres, du pont de Brooklyn à celui de Manhattan, avec cette urgence qu'ont ceux qui se disent que c'est le dernier jour.

jeudi 2 août 2018

Responsive Classroom: perfectionnement jour 2

En route pour retrouver Earl, qui ce matin, nous raconte qu'hier soir, dans le restaurant où il a diné, il a rencontré son rappeur préféré dont je n'ai pas retenu le nom, et que comme par hasard il portait un tshirt avec ce chanteur dessus. Hyper sympa, le rappeur a discuté et ils ont fait des selfies. Earl soulève alors ses bas de pantalon et là, surprise, il a des chaussettes avec son gros rappeur torse nu dessus. Il est cool comme ça Earl.
Son histoire nous a servi pour la composante "sharing" du morning meeting. 3 questions et 3 commentaires.
Et nous voilà de nouveau immergé dans le truc.
Ce matin, nous arrivons enfin à cette étrange activité, qui s'appelle "guided discovery", la découverte guidée de matériel dont on souhaite que les enfants apprennent à se servir. Pour illustrer ça, Earl nous sort la pâte à modeler: nous jouons le rôle des élèves.
Earl sort la pâte à modeler

Le but est d'amener les enfants à expérimenter avant qu'on en ait un jour besoin. C'est ça être proactif.  Explorer toutes les manières d'utiliser,  mais aussi de ranger le matériel. Avec la pâte à modeler, on fait l'inventaire de tout ce qu'on faire: malaxer, aplatir, rouler, tresser, faire des empreintes, casser etc.
Moi je fais un escargot. Plutôt pas mal. 

Après, on fait ce qu'on appelle une "museum walk", une balade au musée. On tourne dans la classe et on admire les idées des autres. Et puis on apprend à ranger.

Avec la pâte à modeler, ça prend tout son sens, mais je vois un peu moins avec le matériel de maths, ou la peinture (quoique).

Maintenant qu'on sait plein de choses, on tisse les composantes les unes dans les autres. Comment intégrer des compétences académiques dans le morning meeting? 
Et puis toujours, ce fameux choix académique, qui décidemment, est essentiel pour engager et motiver les élèves. On cherche maintenant toute sorte d'activités pour des compétences données. Je m'épate à mener les dicussions de mon groupe.
Pendant ce temps, Christopher avance son tricot.
Plus que 2 jours...
Cette après-midi, j'ai retrouvé mon amie Noëlle à Chelsea Market. On a marché sur la high line et on a diné ensemble. C'est chouette de se voir avec le même plaisir après 30 ans!

mercredi 1 août 2018

Responsive Classroom: perfectionnement jour 1

La routine s'installe et j'aime la routine. Me revoilà à Brooklyn, mais j'ai changé d'hotel et de quartier.
Je suis rentrée hier soir du Connecticut, après 3 jours où, encore une fois, j'ai retrouvé ma routine. John n'est plus là, mais rien ne semble avoir changé.

Ce matin je suis en avance alors je fais le tour de Pier 17 qui a, pour le coup, été transformé. Il n'y a personne à cette heure-là, et j'admire le pont de Brooklyn dans la brume.


Retour à Peck Slip school.  Une autre fournée d'enseignants, mais je fais partie des 25 qui viennent pour le cours "avancé", alors que les autres débutent.
On nous observe du coin de l'oeil, hé hé, nous sommes l'élite, ceux qui en veulent ENCORE plus.
Notre leader s'appelle Earl Hunter II, oui c'est bizarre, il est le 2ème du nom. Il enseigne en CM2 dans une école de West Hollywood, en Californie. Et il est différent de Kristen, TRÈS différent. Très causant, il nous a même chanté une petite chanson pour se présenter.  Un peu moins dynamique aussi.
Le groupe est très différent aussi, et on a quelques personnages...on a Christopher qui est venu en jogging depuis Penn station et qui tricote (véridique) pendant toute la journée. Il m'a dit qu'il avait besoin de s'occuper les mains. Il fait du jaquard et tout et tout sans même regarder! Very impressive.
Je m'égare.  Le but de ce cours est d'approfondir. Alors c'est ce qu'on a fait. On a épluché cet énorme truc qu'est "academic choice", c'est à dire proposer aux enfants plusieurs manières de travailler. L'objectif est un plus grand engagement dans l'activité. 3 phases importantes (et là, je révise ce que j'ai compris):
1 la préparation: expliquer les choix aux élèves, les modalités de travail. Les enfants font leur choix. Ils doivent s'y tenir. Ex: pour memoriser les mots de dictée,  vous aurez 2 choix. Soit vous les copiez sur votre cahier, soit vous les ecrivez avec les lettres magnétiques.
2 la phase de travail. On peut ajuster son objectif, par exemple si l'enfant avait comme objectif de copier ses mots 10 fois pour les memoriser, il peut se dire "mince, c'est trop long 10 fois, je ne vais faire que 5 fois". Mais on ne change pas d'activité.
3 la phase réflexive, très importante. Les enfants vont évaluer leur choix. Ont-ils fait le bon? Il y a plein de façons de faire ça.
On regarde des vidéos de séances en classe et tout s'eclaire, tout semble une évidence.

Une bonne dose de "teacher language" aussi aujourd'hui, avec le questionnement. Et plein plein de "turn and talk" c'est-à-dire, on se tourne vers son partenaire (son voisin) pour échanger, dicuter, et ça mes amis, c'est la révélation. Car on apprend en expliquant à l'autre ce qu'on a appris.

Et puis l'anxiété. Celle qui empêche les élèves d'apprendre. Les estomacs vides, l'instabilité du foyer, la maladie, le mal-logement et bien sûr, le traumatisme dû aux fusillades dans les écoles. C'est ça aussi l'Amérique, mais moi, je me sens loin de tous ces soucis.
Mon école, mon équipe, nos 137 élèves, nos 2 heures de pause déjeuner, notre cantine 5 étoiles (à leurs yeux), mon mercredi après-midi libre (imaginez si j'étais à 4 jours) tout ça fait rêver ma bande d'instits américains. Me revoilà encore avec une petite célébrité.

Earl nous raconte beaucoup sa vie de classe, et j'aime bien ça. Il dit qu'avant Responsive Classroom, c'était la partie sombre de sa carrière mais que maintenant il est un Jedi. Hou là, je voudrais bien que ca m'arrive ça, de devenir un jedi.

N'empêche. Je crois que je commence vraiment à comprendre. Les choses s'articulent clairement, cette deuxième partie de formation va vraiment ancrer les choses.

Ce que je retiens aujourd'hui:
Christopher tricote un pull en jaquard sans même regarder ses mains.

Ce que j'ai appris sur moi-même:
J'ai toujours besoin de temps pour assimiler de nouvelles choses. Ça me rappelle quand j'ai préparé le concours d'instit pour la deuxième fois et que j'ai enfin compris des tas de trucs.