samedi 28 juillet 2018

Responsive classroom: dernier jour du premier stage

Comme toujours à la fin, c'est là qu'on commence à s'amuser. Comme dans les fêtes d'anniversaire de notre enfance, au moment de partir, on voudrait rester.
Mais c'est ainsi.

Ce matin en arrivant à l'école



Ce dernier jour était consacré aux composantes du morning meeting, que je pratique dans ma classe.  Dans ce qu'on a fait aujourd'hui, j'ai retrouvé des tas de choses que je fais déjà, et ça m'a fait du bien.  Ça a renforcé et approfondi ma pratique, j'ai pu poser des questions et prendre d'autres idées.
Echanger avec d'autres enseignants a vraiment été un point fort de cette expérience.
Morning meeting au fil des jours du stage


Cette manière qu'ont les américains de nous faire verbaliser notre processus d'apprentissage en échangeant avec nos partenaires après chaque phase aide vraiment à ancrer tout ça.

Je suis ce soir dans le Connecticut. J'ai pris le train de Grand Central jusqu'à Beacon falls et sur le trajet, j'ai passé Noroton Heights, la gare d'où nous partions pour aller à New York quand je vivais à Darien. Il y avait longtemps que je n'étais pas passé, et j'ai ressenti ce petit pincement de nostalgie.  Ce n'est plus aussi vif qu'avant, j'ai fait du chemin depuis, j'ai tourné la page je crois. J'ai trouvé une sorte d'équilibre.
Mon papa américain est décédé la semaine dernière. J'ai pensé fort à lui sur mon trajet.

Retour à Peck Slip school dés mardi matin pour mon 2ème stage. Je suis impatiente.

vendredi 27 juillet 2018

Responsive classroom: jour 3

Après 2 jours passés ensemble, je vais vous parler de notre groupe. Sans se connaitre vraiment, et sans jamais échanger sur nos vies personnelles ou presque, je peux dire que notre petite société d'enseignants réunit tous les âges et tous les styles.  Il y a Nicole la grande blonde trentenaire, Zac, le prof de musique façon Paul Simon qui boit son café dans un bocal en verre, Carley qui à mon avis a l'âge (français) d'être à la retraite et qui était patineuse artistique professionnelle dans une autre vie. Il y a Gina, de Dallas dont la mère était choriste de Diana Ross, et sa collègue Valencia, la Whoopy Golberg du groupe, échevelée. Il y a aussi Kara, jeune mariée dont le mari fait ses études de médecine à Cleveland et qui voudrait tellement revenir à New Canaan où elle est née.  Il y a Jonathan, un jeune black à la carrure d'un joueur de football américain et Michelle, la grande sportive et Amber, enceinte de son premier bébé et qui vient de réaliser qu'elle sera dans la même école que Michelle.
Et tous les autres.  C'est sympa parce qu'on est amené à échanger avec tous, par 2, par 3, par table, par niveau, Kristen notre animatrice redouble d'ingéniosité pour nous grouper (n'oubliez pas....comme on pourrait le faire avec des élèves).

Programme du jour:  développer les compétences académiques et améliorer l'engagement des élèves dans les activités. Pour cela, l'activité doit:
-être active (l'élève doit agir, construire, bouger, manipuler)
-interactive (échanger avec ses pairs)
-avoir du sens pour lui.
-être à sa portée
-être interessante
-favoriser l'autonomie

Pour bien comprendre tout ça, on construit des séances, on regarde des vidéos et on échange. Notre "ressource book" se rempli de notes et de post-its.

Et on arrive à un point crucial: le choix académique: en gros, proposer pour une compétence travaillée, plusieurs choix d'activités. Plus facile à dire qu'à faire, mais c'est évidemment très séduisant. Encore une fois, on s'y colle. On fait un jeu de maths avec des dés ou des cartes à jouer.
Gina et Zac, et Kristen pendant le jeu de maths


En fin de journée, on est cuits. Nos cerveaux sont en surcharge.  Pour finir,  on se met à 4 pattes pour faire un jeu où il faut chanter une comptine et se passer un marqueur en rythme. Ça ne s'arrête pas là. La couleur du dernier marqueur qui arrive dans nos mains indique une question qui nous fait refléchir à notre journée et à notre pratique. Pour moi, c'était "quel élément a marqué mon esprit aujourd'hui" . 
La comptine des crayons

Ce que je retiens:
L'importance du modelage silencieux, et de manière générale, l'importance du silence.
"THE LESS WE SAY THE MORE THEY HEAR"
L'intérêt de donner un choix aux élèves.

A demain pour mon dernier jour. Je pars dans le Connecticut pour le weekend.

jeudi 26 juillet 2018

Responsive classroom: jour 2

Sous une pluie battante et une atmosphère étouffante, j'entre ce matin dans la cafétéria de Peck Slip school pour mon moment de gloire quotidien. Aujourd'hui, des nombres sont affichés à l'écran et on doit deviner ce qu'ils représentent:  171 = le nombre de participants, 800 = le nombre de cafés qui seront bus cette semaine, 19= le nombre d'états représentés et 3500 miles ? La plus longue distance parcourue pour venir. " C'est quelqu'un qui vient de Loo zee gnan". Je n'ai pas tout de suite compris que c'était moi. Grand blanc dans la salle. Elle répète, Loozeegnan!  " That must be ME!", dis-je, et j'explique qu'il faut prononcer Lusignan, et là, OOOOOHHHH, AAAAAAHHHHH, FRANCE!
On me remercie d'étre là... mais au fond, c'est moi qui suis reconnaissante, ils n'ont pas idée.
Aureolée de ma notoriété, je rejoins ma salle pour la journée. Et quelle journée.  Aujourd'hui, l'accent est mis sur 3 grands domaines: Le modelage interactif (interactive modeling), le langage des enseignants (teacher language), et les conséquences logiques en relation avec les régles établies.


Nous entrecoupons nos réflexions de petits jeux pour recharger les batteries.  Ne vous y trompez pas: tout ce qui est fait là par nous, adultes, vise à nous mettre dans la situation des élèves, avec comme seul objectif de servir les 3 besoins des enfants: construire un sentiment d'appartenance à un groupe (belonging), donner du sens (significance) et surtout, s'amuser (fun). Nous avons donc joué, rigolé, et commencons ainsi à mieux nous connaitre (je sais qui aime manger épicé, qui ne range pas ses chaussettes par 2, etc). On joue à 1,2,3 woosha, et à the human protractor.

Interactive modeling.
Nous faisons des listes de tâches, de procédures, de compétences académiques qui doivent être décomposées, expliquées, MODELÉES selon un scénario établi avant que les élèves en aient une maitrise parfaite. On travaille en groupe, on échange, on fait des affiches, tout ça est très investi par tous, toujours minuté, il n'y a aucune disgression, je suis emportée par une vague de professionalisme étonnante et motivante. On regarde des vidéos.

Teacher language.
Certainement un des points qui m'interpellent le plus. 3 types de langages: renforcer, rappeler et rediriger (reinforcing, reminding, redirecting). Pour travailler cela, on a chacun une composante à étudier dans notre manuel. Travail individuel. Puis, on réunit "les experts" c'est à dire, on met ensemble 4 personnes qui ont étudié la même composante pour enrichir notre compréhension du truc. Puis, en dernier, on fait un puzzle, comprendre: des groupes de 3, dont chaque participant a eu une composante différente, et on doit raconter, echanger, discuter. Tout est dit.  Maintenant, en piste. Kristen nous donne des petits scenarios de scènes de classe et on travaille, par 2, par 3, sur ce qu'on doit dire et surtout, COMMENT le dire.  Vous imaginez bien que pour moi, la difficulté est double: comprendre ce que je dois changer en moi dans ma manière de m'adresser aux enfants, ET, transposer en français ce que j'ai appris et compris. Concrètement, pas de jugement de valeur, pas de flatteries, mais un ton neutre qui met en avant des comportements attendus, car l'élève ne doit pas être dans l'attitude de faire plaisir à l'adulte, mais doit faire pour répondre à des attentes explicitées, attendues, qui donnent du sens à ce qu'il fait (vous voyez? Revoilà le besoin de SENS). "Je vois que tu as bien respecté les consignes" au lieu "je suis fière de toi! Tu as fait un super travail!".
Pas démoralisante pour 2 sous, Kristen nous dit qu'il faut enviiron 5 ans pour arriver à changer notre façon de parler aux enfants. 5 ans. Pffff, y a du boulot.

Pour les conséquences logiques, c'est plus facile. On nous explique que l'enfant qui ne respecte pas les règles doit en subir les conséquences logiques, proportionnelles et réalistes. Imaginons un enfant qui court dans le couloir de l'école alors que c'est interdit. Il se retrouve puni de récréation.
Logique?  Non. Proportionnel? Non. Par contre, il pourrait refaire le trajet en marchant cette fois.

Ce que j'ai compris aujourd'hui:
Ce que veut dire être pro-active au lieu de réactive. Anticiper, gràce à la manière de s'adresser aux élèves et au modelage interactif, pour que les élèves s'engagent dans les activités le mieux possible et les amener à exercer leur self-control.

Ce que j'ai appris sur moi-même.
Que je viens de Loozeegnan.


mercredi 25 juillet 2018

Responsive classroom: jour 1

Fébrile, mais pas tant que ça, je pousse la porte de l'ecole Peck Slip à New York ce matin. Mon arrivée hier soir m'a plongée dans un océan d'anxiété, avec un vol retardé de presque 3 heures qui arrive à JFK à 23h30, un métro désert qui m'a poussée à serrer mon petit sac à main rouge un peu plus fort que de raison, et pour couronner le tout, ma réservation d'hotel introuvable par le gars de l'accueil.  Tout ça à 3h du matin, 9h heure française. Aprés une heure de tergiversations, Dean, le mec de l'hotel, me trouve ma chambre.  Je m'effondre 2 petites heures avant le grand saut.
Alors l'anxiété, non, je me suis levée prête à embrasser ce qui s'ouvre à moi.


Une centaine de participants sont déjà présents, l'équipe se présente et on s'echauffe un peu: "qui est enseignant à New York?", plein de gens se lèvent en disant "just like me!",  "qui vient d'un autre état?" , même chose, et après quelques autres questions "qui enseigne ailleurs qu'aux Etats-Unis"? " me!". Tout le monde se tourne vers moi, je suis la star de l'instant, on me demande d'où je viens, et quand je dis de France, ils n'en croient pas leurs oreilles.

Ainsi commence pour moi cette incroyable aventure que j'ai souhaitée avec tant d'ardeur.

Kristen.
Nous sommes répartis en groupes d'une vingtaine. Notre animatrice est une enseignante au charme fou. Je veux être comme elle. La manière dont elle s'exprime, la justesse de son propos, le ton de sa voix, tout y est, c'est l'incarnation de la dimension "teacher language" de Responsive classroom. Je prends conscience de l'importance de nos mots, de notre intonation.

Partner and table talk. Et Energizers.
La journée se déroule avec une alternance de réflexion sur nos pratiques et de moments d'échanges (chronométrés, et marqués par un carillon) avec notre partenaire (qui a changé plusieurs fois) ou notre table. Les instits présents sont incroyablement investis dans ces discussions, on ne dérive pas sur d'autres sujets, c'est très constructif.
Et puis, on s'amuse, en pratiquant des jeux appelés energizers, qui permettent de recharger les batteries.

Au dejeuner, je rencontre Kevin Scott, un instit que je suis sur Instagram, je n'en reviens pas, je mange avec une célébrité!

Yardsticks.
L'après midi est consacrée à la connaissance du développement de l'enfant selon son âge. On travaille avec un bouquin que j'ai dejà à la maison et qui décrit parfaitement ce qu'on peut attendre d'un enfant de tel âge.  On fait des affiches. C'est passionnant.



Un gros travail aussi sur l'élaboration des règles de vie, et sur le modelage (gros sujet au programme demain).

Ce que je retiens aujourd'hui, en vrac, et de manière non exhaustive.
L'importance de faire parler les enfants entre eux.
La prise en compte de la spécificité de chaque âge.
Les 3 besoins fondamentaux des élèves: avoir le sentiment d'appartenance à un groupe, faire sens de ce qu'ils apprennent et, apprendre en s'amusant, bougeant, partageant.

Et sur moi-même?
J'ai retrouvé "mes" Etats-Unis. Mais je n'oublie pas que je suis moi, le caméléon, capable de se fondre dans le paysage.  Vous savez bien que j'adore être loin pour mieux rentrer, être loin pour regarder ma petite vie de rien du tout par le petit bout de la lorgnette. Et vous savez quoi aussi?  Il y a 30 ans exactement, je partais aux Etats-Unis. Et voilà où ça m'a menée.